Textes et photos Alain Hénaff
La grande famille du RICM est en deuil. L'un de ses chefs, parmi les plus prestigieux, vient de disparaître à l'âge de 84 ans.
Partageant le chagrin de son épouse, de ses enfants, petits-enfants et arrière-petits-enfants, de ses parents et de ses amis, les Anciens du Régiment, une dernière fois, se sont rassemblés derrière celui qui incarnait toutes les nobles valeurs de l'engagement au service de la Patrie et du Drapeau.
Pour cet ultime adieu, c'est en l'église de Plouaret (22) que nous nous sommes rendus nombreux ce lundi 28 novembre pour suivre un service religieux en préambule duquel fut évoquée la remarquable carrière militaire de notre ancien chef de corps. Ses qualités d'Homme droit, juste et généreux et son engagement personnel et désintéressé au service de convictions citoyennes ou religieuses furent également soulignés par ceux qui le connaissaient le mieux et qui prirent la parole au cours de cette cérémonie empreinte d'une grande solennité.
Au cimetière, avant la dernière bénédiction et l'inhumation, un piquet du 1er escadron rendit les honneurs militaires, suivis par un vibrant hymne des Troupes de Marine entonné par la quarantaine d'Anciens présents, au nombre desquels on comptait le général Pol et deux anciens chefs de corps, les généraux Collignon et Leroy.
Puis le vieux soldat a pu rejoindre en paix ses camarades de combat qui l'attendaient au paradis des guerriers et des justes !
Le général Raymond Hiliquin n'est plus ... mais pour avoir personnellement participé à l'écriture d'une magnifique page de la glorieuse épopée du RICM qu'il commanda avec passion, il restera à jamais présent dans la mémoire et le coeur de ceux qui eurent le privilège et l'honneur de servir sous ordres.
De l'éloge de son passé militaire prononcé par le colonel Fraval de Coatparquet, nous retiendrons que, de 1940 à 1962, le général Hiliquin, fut de tous les combats menés par la France.
Engagé pour la durée de la guerre, à peine âgé de vingt ans, il connaît comme aspirant l'amertume de la défaite et le malheur de la captivité.
Évadé et opiniâtre, il rejoint alors le Maroc et les rangs du RICM. Promu sous-lieutenant, il participe ainsi à tous les actions et à toutes les opérations militaires dans lesquelles le Régiment est engagé pour la libération de la France : Algérie, Corse, Provence, Doubs et Alsace, avant de franchir le Rhin. Le 8 mai 1945, à la capitulation de l'Allemagne nazie, il se trouve à Constance.
Cependant, pour le jeune volontaire de 1939, cette victoire n'est pas le signal d'un retour à la vie civile ! En effet, souhaitant continuer de servir au mieux son pays, il embrasse définitivement la carrière des armes.
Fin 1945, avec le RICM, c'est comme lieutenant qu'il effectue un premier séjour en Indochine. En 1955, il y retourne une seconde fois comme capitaine pour commander le 4e escadron du Régiment Blindé Colonial d'Extrême-Orient.
De 1958 à 1961, avec le Régiment Colonial des Chasseurs de Chars, il participe aux opérations militaires dans les départements français d'Algérie.
1962 ... la France connaît enfin la paix des armes ! Le commandant Hiliquin est de nouveau affecté au RICM qui vient de s'installer à Vannes. En 1970, honneur suprême pour cet authentique officier de troupe promu colonel, il reçoit le commandement de ce magnifique régiment auquel il est tant attaché.
Au cours de ses 39 années de service dont vingt-et-une de campagnes et de séjours outre-mer, le général Hiliquin aura également servi en Afrique noire, aux Antilles et en Allemagne, dans différents emplois d'état-major ou de commandement.
Commandeur de la Légion d'honneur et de l'Ordre national du Mérite, le général Hiliquin avait reçu, pour sa bravoure et ses compétences de chef au combat, la croix de guerre 1939-1945, celle des Théâtres d'Opérations extérieures (TOE) et la croix de la Valeur militaire auxquelles étaient agrafés 8 titres de guerre.
Adieu mon général !
Il est des jours où il n'est pas facile d'être le Président des Anciens du RICM !
Et pourtant, il me faut bien vous dire au revoir au nom de tous ceux qui ont servi sous vos ordres et dont la vie a été profondément marquée par cette rencontre.
Je n'ai pas qualité, bien sûr, pour dire vos mérites militaires, à vous qui avez baroudé beaucoup plus que d'autres, sous tous les cieux, et pour servir votre Pays, la France, à laquelle vous étiez si profondément attaché. Vos 8 titres de guerre parlent pour vous et l'on sait bien que vous avez servi sous des chefs qui ne distribuaient les citations qu'avec parcimonie.
Non mon général, je voudrai vous rendre l'hommage de vos subordonnés auxquels vous étiez si attachés, que vous saviez défendre lorsqu'il le fallait, que vous saviez stimuler si besoin était et que vous encouragiez avec une amitié qui n'est pas si commune.
Je vous ai rencontré la 1ère fois en 1965, vous étiez alors chef du bureau instruction du RICM, ce régiment qui était votre vie. Votre carrure, votre franc parler et vos connaissances du métier militaire, nous séduisaient tous et je n'ai jamais entendu un seul de vos subordonnés dire quoique ce soit qui aurait pu ternir cette image du Chef que vous nous donniez. Lequel d'entre nous ne se souvient des exercices d'instruction sur le terrain que vous nous faisiez faire et dont vous aviez pris le virus chez le général Le Pulloch, votre chef de la Campagne de France.
Et que dire des rapports humains qui existaient entre nous et qui pour moi constituaient la caractéristique essentielle du commandement au RICM, quel que soit le niveau hiérarchique qui était le nôtre.
Je vous ai retrouvé ensuite lorsque la DPMAT a bien voulu se souvenir que le RICM méritait un chef capable de redresser la barre. Nous vous sentions tellement à votre place et comme vous me le disiez, il s'en est fallu de peu que vous ne soyez privé de cet honneur et de cette responsabilité. Mais la Providence veillait et peut-être aussi quelques-uns de vos anciens chefs qui connaissaient vos qualités.
Je parle de Providence, car je savais vos convictions religieuses dont vous ne faisiez pas mystère, et de votre dévouement dans des activités paroissiales à Vannes, comme la préparation au mariage.
Et puis, en dehors du service, vous étiez, j'espère ne choquer personne, comme notre grand frère dont nous avions tant à apprendre. Vous vous amusiez de nos espiègleries, y participant parfois, heureux de voir que suivant un de vos préceptes favoris et que nous n'avions aucun mal à mettre en pratique, nous savions rester calmes et boire frais.
Vos subordonnés dans la mesure où ils avaient conscience de servir un régiment exceptionnel, n'avaient rien à craindre de vous. Par contre, vos chefs ont pu à plusieurs reprises tâter de votre force de caractère lorsque, trop technocrates, ils se heurtaient à votre expérience du commandement, ce qui vous a valu sans doute quelques inimitiés dont vous n'aviez que faire, d'ailleurs.
Que dire encore, mon général. Que pour moi, vous étiez un roc et que contrairement à notre condition humaine, je vous voyais indestructible. J'avais été si heureux d'organiser pour vous une prise d'armes, au Régiment, alors que vous alliez partir sans que le RICM qui vous devait tant, ne vous apporte le réconfort de sa fidèle et respectueuse affection.
Madame, nous nous associons - et ce ne sont pas que des mots - à votre peine. En nous quittant, le général Hiliquin ferme une page heureuse de notre vie. Vous avez été à ses côtés, madame, la Mère du Régiment et vous resterez toujours, avec votre mari, une pierre de cet extraordinaire édifice qu'est le RICM .
Au revoir, mon général, je suis bien sûr que Là-Haut, les anges vous ont accueilli avec les honneurs dus au Chef que vous étiez, que saint Yves n'a pas eu de mal à vous mettre en présence de Dieu et que celui-ci vous a dit : mets-toi à ma droite, Raymond, viens avec les JUSTES. J'espère que nous pourrons un jour vous y retrouver.
Kenavo, mon général !