DISCOURS DU GÉNÉRAL COLLIGNON A L'HÔTEL DE VILLE DE PARIS

Madame,

Permettez-moi tout d'abord de vous remercier, ainsi que monsieur Bertrand Delanoë, Maire de Paris, pour l'accueil que vous nous réservez chaque année.

Nous n'oublions pas la façon si chaleureuse avec laquelle, l'année dernière, vous avez su trouver les mots pour panser nos plaies douloureuses.

Je voudrais, si vous le permettez, vous faire part, à vous qui êtes en charge du monde combattant de Paris, du sentiment de malaise qui nous habitent, nous les Anciens qui avons libéré la France, nous qui avons combattu en Indochine, nous qui maintenant oeuvrons sur de nombreux théâtres d'opérations extérieurs, pensant que la France valait bien que nous lui consacrions nos années de jeunesse, notre enthousiasme, notre fierté d'être français.

Or, nous constatons avec amertume, en lisant nos journaux , en écoutant la radio ou en regardant la télévision, que nombreux parmi nos compatriotes sont ceux qui semblent ne plus aimer la France. En un mot : on cultive la détestation.

Et nous assistons, le coeur triste, à ce dénigrement perpétuel contre notre Pays, son Histoire, comme si nos ancêtres n'avaient accompli que des actions condamnables.

Certains semblent prendre plaisir à mettre en évidence ce qui, certes n'est sans doute pas dignes d'éloge, en passant sous silence ce qui a fait, ce qui fait la grandeur de notre Patrie.

Comment peut-on espérer rassembler au sein d'une communauté alors que l'on ne cherche qu'à opposer les uns et les autres.

Comment s'étonner dès lors que des jeunes français aient un sentiment de détestation aussi dévastateur ? Ils ne voient et n'entendent que très rarement des propos qui leur donnent envie d'aimer la France, d'acquérir ce qui fait que l'on a envie de vivre ensemble, de construire ensemble, de progresser ensemble. Et ceci n'est pas valable uniquement pour les français d'origine étrangère.

Notre Histoire est un tout que l'on ne saurait découper en tranches, dont on pourrait ne prendre que quelques morceaux. Et puis, il est tellement facile de juger hier avec nos critères d'aujourd'hui ! Alain Decaux le rappelait encore récemment.

Albert Camus a bien écrit la-dessus et je voudrai citer une de ces phrases qui font honneur à ceux qui les écrivent : Il est bon qu'une Nation soit assez forte de tradition et d'honneur pour trouver le courage de dénoncer ses propres erreurs. Mais elle ne doit pas oublier les raisons qu'elle a de s'estimer elle-même

Il y a un grand magasin qui, utilisant un néologisme discutable dit qu'il faut positiver. Eh bien! Positivons. Regardons ce qui peut être source de fierté, sans oublier ce qui est contestable, mais aimons notre Patrie. Nous avons vu suffisamment de nos amis, de nos camarades, toutes races confondues – et nous autres des Troupes de Marine, sommes bien placés pour en parler – mourir pour la France, pour avoir le droit de vous dire notre tristesse.

Je demande à mes Anciens d'être des témoins engagés, afin de ne pas laisser le champ libre à ces destructeurs, à ces "destructurateurs", chacun dans la mesure de ses moyens.

Vous comprenez bien, Madame, que ce n'est une goutte d'eau face au tapage médiatique. Mais il appartient à chacun de se battre pour que.......

Vive la France.