Texte Alain Hénaff
photos Martine Gouas - Sylvaine Buono
Comme il y a cinq ans déjà, le RICM s'est montré fidèle au rendez-vous de l'histoire et du souvenir pour commémorer les trente ans de la disparition du caporal-chef Guy Parent, tué au cours des combats d'Abéché, le 5 mars 1979. Avec leur chef de l'époque, le général Dominique Delort, une poignée d'Anciens est venue témoigner des liens inaltérables et indéfectibles qui unissent tous les acteurs de cette parcelle d'Histoire du Régiment dans laquelle nos morts occupent tout naturellement une place d'honneur.
Ce vendredi 6 mars, accueilli par la maman, le fils et les soeurs de Guy Parent, le général Delort a pu s'entretenir longuement avec eux avant de rejoindre le cimetière où repose depuis trente ans notre camarade.
Sous un ciel gris et menaçant, ô combien éloigné de l'étouffante chaleur africaine d'un après-midi de mars 1979, tous ceux qui avaient tenu à s'associer à cette cérémonie du souvenir entouraient déjà la tombe de Guy : membres de sa famille, Anciens du RICM et du 1er escadron, délégation du Régiment, maire de Pompey, associations patriotiques et leurs drapeaux, clairons et tambours, patriotes anonymes également.
Avec la simplicité et le dépouillement qui conviennent, ce fut bref et poignant. Après avoir prononcé un émouvant hommage, le général, au nom des Anciens, a déposé une gerbe sur la tombe de ce marsouin mort trop jeune; monsieur le Maire en a fait autant, au nom de Pompey. Introduite par la sonnerie aux morts des clairons et les roulements des tambours, la minute de silence a alors renforcé ce recueillement intime au cours duquel, en pensant au disparu, chacun a, sans doute, mesuré la vitesse du temps qui passe, la fragilité de l'existence mais aussi les risques qu'impliquent le métier de soldat !
Comme souvent après la fin d'une telle commémoration, les Anciens, seuls, sont restés encore quelque temps auprès de Guy Parent, auprès de leur camarade de combat, témoin muet de leur sincère, profond et éternel attachement.
Cette journée du souvenir s'est ensuite poursuivie à la mairie de Pompey où monsieur le Maire, après avoir prononcé quelques mots et offert au général Delort un livre sur la cité, invitait tous les participants au pot de l'amitié.
Un peu plus tard et en toute intimité, madame Parent avait tenu, comme il y a cinq ans, à recevoir les Anciens du RICM autour d'un chaleureux buffet. Occasion renouvelée d'évoquer ce fils disparu depuis si longtemps mais dont une foi ardente maintient intact le souvenir. Opportunité également d'échanger avec Patrice, ce fils qui n'avait que quelques mois à la mort de son père.
« Ce fut encore une journée pleine d'émotions, de tristesse mais avec de la joie malgré tout car votre présence nous rapproche encore plus de Guy... et c'est important pour nous. » nous écrivait il y a quelques jours l'une de ses soeurs. Une conclusion qui se passe de commentaires ! Les multiples chemins des Anciens du 1er escadron repasseront bien évidemment par Pompey.
Remercions une fois encore notre camarade Michel Gouas qui s'est totalement et personnellement impliqué dans l'organisation de cette journée consacrée à celui qui était son tireur et qui fut tué près de lui ce 5 mars 1979.
capitaine commandant le 1er escadron du RICM au Tchad en 1979
6 mars 2009
Madame Parent, Mesdames, Messieurs de la famille du Caporal-chef Parent, Monsieur le Maire, Messieurs les Portes Drapeaux, les Anciens du Premier escadron du RICM, Mesdames Messieurs.
5 mars 1979, 6 mars 2009 : C'est avec émotion que nous nous retrouvons tous ici, ce matin, devant la tombe du caporal-chef Guy Parent. Ce n'est pas la première fois puisqu'en 2004 une cérémonie s'est tenue dans le même esprit. J'y étais par le coeur mais vous étiez nombreux du RICM à honorer ici sa mémoire.
Si le temps passe nous n'oublions pas notre frère d'armes, notre camarade mort au combat. C'est donc un honneur d'être là accompagnés par sa mère et son fils Patrice.
Je veux vous rappeler rapidement dans quel contexte nous sommes allés au Tchad et dans quelles circonstances Guy a été tué et plusieurs de ses camarades blessés.
Début 1978 la France a décidé de venir au secours du Tchad attaqué par des rebelles venus du Nord fortement soutenus et armés par la Libye. Nos camarades du 2ème escadron, dont certains nous rejoindrons quelques mois plus tard, ont donc été engagés dans de premiers combats et subi les premières pertes.
En novembre de la même année le 1er escadron, à peine revenu de six mois au Liban est reformé en trois semaines et envoyé en relève à Abéché, dans le Ouaddaï, dans l'est du Tchad.
Cet escadron de 160 marsouins dont le peloton de Guy commence à remplir des missions de contrôle de zone dans toute la province. Les AML, automitrailleuses légères apportent une puissance décisive dans les accrochages et un soutien majeur aux marsouins progressant très souvent à pied en zone dangereuse.
Guy est tireur dans un équipage chaleureux et extrêmement soudé. Le pilote s'appelle Burelet. Il est mort l'année dernière d'une longue maladie. Avec le chef de voiture Michel Gouas ils forment tous les trois un solide équipage.
Nous vivons sous tente puis ensuite dans des maisons construites en terre quand nous ne sommes pas en opérations.
En mars 1979, le dernier mois de notre mission au Tchad, la situation est meilleure dans notre province mais nous apprenons qu'une très puissante colonne à quitté la Libye et progresse vers le sud dans le but de renverser les nouvelles autorités. Notre groupement à Abéché participe à la recherche dans une vaste région. Le 5 mars matin la compagnie d'infanterie du 3ème Rima est partie avec le peloton Hervé de l'escadron, les hélicoptères et des AML du 3ème peloton effectuent des patrouilles à l'ouest et au nord de la ville.
A 12h 30, la ville est attaquée au canon et par des véhicules armés. Nos camarades bigors du 11ème Rama essayent de contenir l'attaque vers l'aéroport à coups de canon de 105.
J'engage alors les pelotons Descamps et celui de Lachaux, momentanément commandé par Suelves, dans des actions visant à dégager l'aéroport et à détruire les unités rebelles nous faisant face. En ville, troupes légales et rebelles s'affrontent très violemment. Nous reprenons pied sur un mouvement de terrain à l'ouest de la piste d'aviation.
Les combats sont durs mais notre puissance de feu est supérieure et surtout nous utilisons beaucoup mieux nos engins blindés. Les rebelles ont des véhicules armés de mitrailleuses et de canons sans recul et sont sensiblement plus nombreux que nous.
L'AML du sergent Gouas est comme les autres fortement engagée.
Dans l'après midi, 6 marsouins et deux jeeps sont bloqués près de petits arbustes et pris à partie par des rebelles à très courte distance. J'envoie deux AML dont celle de Gouas les dégager. Son équipage est particulièrement efficace, il dégage les marsouins, protège l'autre AML en position difficile. Je les vois tous quand soudain une fumée blanche s'élève brutalement de la tourelle. L'AML de Gouas vient d'être touchée par une roquette.
Le peloton Descamps reçoit l'ordre de dégager et de nettoyer tout le secteur. Dans un très violent accrochage le secteur est en partie assaini.
Je donne l'ordre à une escouade d'évacuer l'équipage. Malheureusement Guy a été tué sur le coup par un éclat de la roquette qui a complètement transpercé la tourelle, Gouas est touché à l'oeil puis par une balle, en sortant de la tourelle. Guy est immédiatement évacué vers moi et je lui ferme les yeux en présence de ses camarades. Il est emporté vers l'infirmerie.
Le combat va durer encore une heure jusqu'à la destruction presque complète de la colonne rebelle qui laissera plusieurs centaines de morts devant nous et en ville face aux troupes légales et un impressionnant armement.
Vers 18h30 à la nuit tombante l'escadron, sur le qui vive, reprend des forces et nous pensons à notre camarade et depuis nous n'avons jamais cessé de penser à lui.
Tu vois, mon cher Guy, nous sommes ici pour représenter tous les anciens du 1er escadron de cette époque et pour t'affirmer que ton souvenir est toujours là.
J'ai été très fier d'avoir été ton chef et les hommes de l'escadron très heureux d'avoir été ton camarade.
Le temps a passé et je te dis, devant ta famille et ton maire, que nous sommes tous venus en frères d'armes te rendre hommage et t'assurer de notre fidélité.
5 mars 1979, 6 mars 2009
Encore une fois Adieu Guy.
Ont participé à cette cérémonie :
Bien qu'absents, ont également apporté leur contribution à cette cérémonie :