Texte du général Jean-Gabriel Collignon, président nationale des Anciens du RICM
Il y a 70 ans, le gouvernement de la France sollicitait un armistice.
L’armée française débordée, démoralisée, était battue en rase campagne par une armée allemande alliant efficacement aviation et troupes au sol.
Au même moment, le RICM, ce régiment prestigieux, formé par des métropolitains de la Coloniale, qui se bat depuis le 12 Juin, de la Seine vers la Loire, commence, aux environs de Brou, à embarquer une partie de ses unités dans des camions, pour rejoindre Amboise.
En fait, seul, le 3e bataillon (moins une compagnie) avec la compagnie de commandement (CC) et la compagnie régimentaire d'engins (CRE) pourront embarquer.
Le 1er bataillon couvre le décrochage du Régiment sur l’axe Brou-Amboise tandis que le 2e bataillon qui a été durement éprouvé dans les combats du 16 Juin, sera enlevé un peu plus au sud par des autobus parisiens. Mais il devra laisser son échelon de combat comportant mitrailleuses, mortiers et canons antichars sur place pour un enlèvement ultérieur (qui ne se produira jamais).
Les hommes sont épuisés par les déplacements à pied, le manque de nourriture et de sommeil.
Le 18 Juin, le 3e bataillon, renforcé par des Chasseurs et des Tirailleurs Tunisiens, tient Amboise tandis que le 2e bataillon s’est rétabli à Chaumont en attendant d’être relevé.
Les éléments du 1er bataillon qui auront combattu à pied, 90 km sur les 150 qui les séparaient de la Loire, pourront rejoindre le Régiment. Ils seront regroupés et mis en réserve au Château de la Croix à 10 Km au sud de Chargé. Le front à défendre est de 18 km.
Au 2e bataillon, il reste à ce moment-là, le chef de bataillon Britsch, son adjoint, le capitaine Talon, le capitaine Frume et un officier à la compagnie d'appui (CA), un commandant de compagnie pour les 3 compagnies de grenadiers-voltigeurs, 30 gradés et 80 à 90 hommes. L’armement n’est guère plus brillant : 5 à 7 fusils-mitrailleurs (FM) et une mitrailleuse.
Vers 3 heures du matin, le 19 Juin, le 2e bataillon relevé à Chaumont, rejoint Chargé et Artigny où il s’installera défensivement et prendra liaison avec le 3e bataillon installé dans Amboise. Sa mission : interdire la traversée de la Loire pour éviter le contournement du 3e bataillon.
Le sous-lieutenant Godé avec une mitrailleuse et 2 FM interdit le franchissement de la Loire devant Chargé. Plusieurs bateaux d’assaut allemands seront pris à partie et se camoufleront derrière l’île, ce qui permettra plus tard, à l’infanterie allemande, de traverser à pied, le second bras de la Loire.
A 13 heures, le 3e bataillon signale des franchissements continus devant Amboise.
Venant de l’est, les combats commencent dans Chargé.
Vers l’ouest, 5 cavaliers du 78e groupe de reconnaissance de division d'infanterie (GRDI) seront tués sur la route d’Amboise, mais les combats se déplacent aussi vers l’est et l’on se bat près de l’église et du cimetière. Les FM sont déplacés à plusieurs reprises en lisière de Chargé puis dans Chargé même, pour freiner la poussée allemande venant de l’ouest. Le Lieutenant Marc Granger sera tué sur la route; Denis Sabeyrolles, Bonnaventure Llerés, Charles Galeazzi, Alexandre Serrat et Paul Brunel le seront près de l’église.
Après de sévères combats dans Chargé, les marsouins sont opposés à des forces ennemies venant de l’est et de l’ouest. Vers 17 heures, l’ordre de décrocher vers le Cher est donné. Le Régiment, couvert par le 3e bataillon qui se sacrifiera presque en entier pour cette mission, se replie vers Le Grais. Pour le 2e bataillon, le décrochage se fait à travers les vignes et un FM dont le trépied prend appui sur le casque du marsouin Barberan, debout, prend à partie des allemands qui n’insistent pas.
De nombreux marsouins seront faits prisonniers dans Chargé mais aussi dans Amboise. Les combats sur la Loire auront coûté au RICM plus de 600 tués, blessés ou disparus.
Le Régiment continuera de combattre jusqu’au 21 Juin, dans l’honneur puisque le PC du Régiment, attaqué par les allemands dans la région de La Haye-Descartes, non seulement repoussera cette attaque mais fera 23 prisonniers.
Nos Anciens, malgré la fatigue et l’obligation de battre en retraite au milieu de la désorganisation, ont prouvé que le RICM était digne de la réputation acquise par leurs Ainés de 14-18 et du Rif. Il était composé d’hommes, moralement solides, courageux, droits, ayant le sens de la discipline, du service de la Nation et de l’Honneur.
Nous sommes ici, non seulement pour nous souvenir d’eux mais aussi pour rendre hommage aux combattants de 39-40 que l’on a accusé un peu facilement de n’avoir pas fait tout leur devoir. La grande majorité s’est battu avec le courage du désespoir. Les pertes ont été sévères.
Non, nos Anciens n’ont pas failli.
VIVE LA FRANCE !