Article Alain Hénaff - photos Alain Hénaff - Gérard Roussel
Une nouvelle fois les Anciens du RICM ont pu rendre hommage à l'un des leurs en participant à une cérémonie désormais bien ancrée dans les habitudes du Centre de Formation Initiale des Engagés de la 9e Brigade d'Infanterie de Marine (CFIM). Il s'agissait de donner un nom de parrain aux engagés de l'année 2014 : celui du caporal-chef Christian Marie a été retenu.
Pour ceux qui l'ignorent encore, les engagés de l'Armée de Terre et des différentes brigades composant le corps de bataille ne reçoivent plus leur formation initiale (« les classes ! ») au sein des corps de troupe. Après la semaine d'incorporation dans les régiments, ils sont dirigés, avec leur encadrement, vers un centre d'instruction de brigade pour quatre mois de formation standardisée et intensive.
Celui de la 9e Brigade d'Infanterie de Marine, commandé par le chef de bataillon Emmanuel Allard de Grandmaison, se situe dans le camp de Coëtquidan et depuis son ouverture a reçu 2500 jeunes engagés, marsouins en devenir. Outre cette formation initiale destinée aux apprentissages élémentaires bien connus et immuables, nos jeunes recrues découvrent peu à peu cette culture d'Arme qui nous est si chère et, au cours du temps, s'approprient les traditions propres à la « Coloniale ».
Initiée en 2012 par la 9e Brigade, une cérémonie particulière — en début d'année, vient renforcer ce sentiment d'appartenance aux Troupes de Marine et aux valeurs propres qui sont les leurs. Il s'agit d'attribuer à tous les engagés de l'année un nom de parrain, militaire du rang, tué au combat et choisi à tour de rôle dans un des régiments de la Brigade.
Après le caporal Paul Dubois du 2e RIMa, tué au combat en 1959 en Algérie, après le brancardier Jean-Léon Carresse du 3e RIMa, tué au combat en 1940 dans l'Est, le caporal-chef Christian Marie du RICM tué au combat le 2 mai 1978 au Liban est le parrain choisi en cette année 2014 pour guider les pas des jeunes marsouins entrés en service depuis le 1er janvier ou qui arriveront dans les prochains mois.
C'est bien évidemment le RICM qui s'est chargé de réunir les éléments mémoriels destinés à rédiger l'évocation historique et à confectionner une vitrine d'exposition rappelant le souvenir de Christian Marie. En charge du pilotage de cet événement, le capitaine Henry de France, l'OSA, pouvait compter sur l'aide active des Anciens du 1er escadron 77-79 pour mener à bien sa mission.
Le jeudi 20 mars, entourant le général Jean-Gabriel Collignon, président national, et le général Dominique Delort, ancien patron du 1er escadron dans lequel servait Christian Marie, trente Anciens se sont donc retrouvés sous le pâle soleil des landes bretonnes de Coëtquidan. Onze d'entre eux avaient participé au combat qui avait coûté la vie à notre camarade. Les autres avaient également servi sous les ordres du capitaine Delort au Tchad ou appartenaient à la 3e Section venue en nombre avec son président André Millien et le drapeau porté par Charles-Robert Beaugé.
Outre ses Anciens, le RICM était représenté par le lieutenant-colonel Bruno Bourcheix, commandant le Régiment par suppléance, par le président des EVAT, le caporal-chef de 1ère classe A. Dantan et par un détachement du 1er escadron composé du capitaine Geoffrey de Hautecloque, de son fanion porté par l'adjudant S. Combes et du peloton de l'adjudant S. Pozzo.
Naturellement invitée à cet hommage, la famille de Christian Marie assistait à cette cérémonie présidée par le général de brigade Vincent Guionie, commandant la 9e Brigade, en présence du général de brigade Fernand Georges, père de l'Arme.
Après les traditionnelles revues des troupes, le général Guionie a prononcé la formule aujourd'hui consacrée : La promotion des engagés volontaires 2014 du Centre de Formation Initiale des Militaires de la 9e Brigade d'infanterie de Marine portera désormais le nom de : « Promotion caporal-chef Christian Marie ».
Non sans émotion, un jeune marsouin a lu l'évocation de la carrière de Christian Marie (cf. ci-dessous) puis un grand portrait et la vitrine qui lui sont dédiés, recouverts des trois couleurs, ont ensuite été présentés à la vue de tous par deux jeunes engagés. Avec la vitrine, l'un des marsouins s'est déplacé en passant devant les éléments rassemblés afin de montrer ces souvenirs qui demeureront dans la salle d'honneur du CFIM.
La fin de la cérémonie a été marquée par un défilé des sections ou pelotons présents, représentant les différents régiments de la brigade. Est-il utile de préciser que le peloton de l'adjudant Pozzo, engagé l'année dernière au Mali, avait fière allure ?
Autorités, invités, Anciens et quelques jeunes marsouins se sont ensuite retrouvés au mess du camp pour le pot de l'amitié. Des différentes prises de parole effectuées, nous retiendrons celle du général Dominique Delort évoquant avec affection Christian Marie dans ses derniers moment de vie, en rappelant qu'il avait fait son devoir jusqu'au sacrifice suprême en « Soldat de France ».
Il est réconfortant de constater que nos morts des Opérations Extérieures restent bien présents dans les cœurs de leurs compagnons d'arme mais aussi dans les souvenirs des régiments qui ne manquent jamais l'occasion de les honorer. Une chance que n'eurent pas toujours nos Anciens d'Indochine ou d'AFN.
Né à Mézidon-Canon dans le Calvados le 23 avril 1955, le caporal-chef Christian Marie passe toute sa jeunesse à Saint-Pierre-sur-Dives, avant de s’engager à 18 ans au Régiment d’Infanterie – Chars de Marine.
Classé parmi les meilleurs de sa promotion, il est désigné pour suivre le stage de tireur sur engin blindé AML. Il obtient ainsi le Brevet Militaire Professionnel Élémentaire de la spécialité puis par la suite, dans le cadre d’une double qualification, le Certificat Technique Élémentaire pilote AML.
En novembre 1974, il est nommé caporal et sert au 1er escadron blindé du Régiment d’Infanterie – chars de Marine. En octobre et novembre 1977, avec son unité, il participe à l’opération Lamentin dans le cadre d’un pré positionnement à Dakar en vue d’une intervention sur la Mauritanie. Venant en confirmation et récompense de ses compétences acquises, le grade de caporal-chef lui est attribué à compter du 1er janvier 1978.
Le 23 mars 1978, alors qu’il doit se marier avec une jeune fille qu’il avait connue à Vannes et juste avant de fêter ses 23 ans, le caporal-chef MARIE embarque sur un bâtiment de transport maritime avec le 1er escadron à destination du Liban pour participer à une importante opération de maintien de la paix dans ce pays en proie à une guerre civile meurtrière. En effet, le Liban, touché par de très graves problèmes internes est incapable de contrôler son territoire.
C’est dans ce contexte d’opération que le 1er escadron du Régiment d’Infanterie – Chars de Marine sous l’égide du 3e Régiment Parachutiste de Marine de Carcassonne forme l’unité blindée du bataillon français de la Force Intérimaire des Nations Unies au Liban, la FINUL.
Le bataillon de « casques bleus » débarque le 6 avril à Beyrouth et prend la route du sud pour rejoindre la ville de Tyr. Il commence à remplir les missions de contrôle et de renseignement dans toute sa zone d’opérations qui couvre le sud du Liban occupée soit par les troupes israéliennes soit par des mouvements armés palestiniens ou libanais. Il s’agit de les séparer et de contrôler ensuite toute la partie du Liban qu’Israël doit rapidement évacuer.
Dans cet important dispositif, le caporal-chef MARIE est le radio du capitaine commandant l’escadron, l’accompagnant en permanence pendant les missions de reconnaissance, deux fois par jour au minimum. S’étant rapidement intégré dans son équipe, le caporal-chef MARIE met en œuvre les deux postes radios de la jeep du capitaine, donnant une liaison permanente avec tous les véhicules de l’escadron, mais surtout avec le commandement du bataillon français.
Le 2 mai 1978, alors qu’un détachement du bataillon est attaqué, le capitaine commandant l’escadron envoie son 2e peloton pour intervenir. Quelques instants plus tard, ils se retrouvent eux-mêmes violemment pris à partie. C’est alors que le capitaine avec le reste de son escadron vient immédiatement soutenir le peloton pris en embuscade afin d’assurer la jonction et de les dégager. Mais en quittant les casernes de Tyr, la jeep du capitaine est violemment attaquée à la mitrailleuse, au lance-roquette RPG-7 et à l’arme automatique. La jeep se poste le long d’un muret et l’équipage ouvre le feu pour répliquer. Le caporal-chef MARIE, à côté de son capitaine, est touché et tombe. Les minutes qui suivent sont d’une très rare intensité et les AML tirent, les lances roquettes de 89mm détruisent les véhicules palestiniens et de mouvements libanais. Une AML de l’escadron est touchée par deux roquettes à la tourelle. Une autre AML également touchée par une roquette brûle instantanément.
Entre temps, le caporal-chef MARIE est évacué vers le poste de secours du bataillon et rapidement transporté par un hélicoptère français vers l’hôpital de la FINUL au Poste de Commandement de Naquoura. Peu de temps après, il décède de ses blessures, c’est un choc pour tous. Pour autant, son sacrifice ne démoralise pas le bataillon qui, avec pour objectif de se montrer digne du caporal-chef MARIE, continue de mener à bien la mission.
Tombé au combat au service de la France et de la paix, le caporal-chef Marie a été cité à l’ordre de l’armée avec attribution de la médaille militaire et de la croix de la valeur militaire avec palme.