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HOMMAGE RENDU PAR LA COMMUNE DE SAINT-PIERRE-SUR-DIVES
AU CAPORAL-CHEF CHRISTIAN MARIE

Texte Alain Hénaff - Photos Guy Moncel

Depuis son inhumation à Saint-Pierre-sur-Dives en mai 1978, Christian Marie n'avait jamais reçu d'autre hommage officiel de la part des habitants de sa ville. Aujourd'hui c'est chose faite, grâce aux actions conjuguées du général Jean-Gabriel Collignon - qui a écrit à toutes les communes où reposent nos camarades morts pour la France en Opex, pour que leurs noms figurent sur les monuments aux morts - et du général Dominique Delort en contact depuis longtemps avec la mairie normande. Ce 8 mai 2009 aura enfin permis de mettre à l'honneur notre marsouin et d'expliquer à ses concitoyens les circonstances de sa mort.

Liban - cérémonie militaire - photo Roumégas

En ce vendredi matin du 8 mai, il faut reconnaître qu'ils étaient fort peu nombreux les Anciens du 1er escadron. Avertis trop tardivement, les plus actifs (et les drapeaux) étant retenus par d'autres rendez-vous patriotiques ou associatifs, les Anciens n'avaient pu répondre comme il se devait à l'appel du général Delort.

Quoi qu'il en soit, nos représentants furent accueillis chaleureusement par la municipalité, les anciens combattants du lieu et la famille de Christian. Après la messe du souvenir et la commémoration de la fin de la 2e Guerre Mondiale, une plaque au nom de Christian Marie "Mort pour la France" fut dévoilée par monsieur le Maire et le général. Ce dernier prit ensuite la parole pour évoquer la mémoire de son radio et les circonstances qui conduisirent à sa mort (cf. ci-dessous).

Suivirent vin d'honneur et banquet, tels que l'on sait encore les organiser dans notre belle France des provinces ! Le RICM y était bien représenté !

Les Anciens du RICM et du 1er escadron continueront bien évidemment à honorer la mémoire de leur camarade en revenant régulièrement - et plus nombreux - à Saint-Pierre-sur-Dives et notamment lors de l'inauguration future d'un lieu public (place ? rue ?) qui portera le nom de Christian Marie.

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Allocution prononcée par le général de corps d'armée (2S) Dominique Delort

capitaine commandant le 1er escadron du RICM au Liban en 1978

8 mai 2009

Mesdames, Messieurs de la famille du Caporal-chef Christian Marie, Monsieur le Maire, Messieurs les Porte-drapeaux, les Anciens du Premier escadron du RICM, Mesdames Messieurs.

2 mai 1978, 8 mai 2009 : C'est avec émotion que nous nous retrouvons tous ici, ce matin, devant la plaque du caporal-chef Christian Marie et le monument aux morts. Ce n'est pas la première fois puisque depuis 1979 des cérémonies se sont tenues dans le même esprit. A plusieurs reprises, nous avons été nombreux du RICM à honorer ici sa mémoire.

Si le temps passe nous n'oublions pas notre frère d'armes, notre camarade mort au combat. C'est donc un honneur d'être là accompagnés par sa famille et les représentants de son village.

Je veux vous rappeler rapidement dans quel contexte nous sommes allés au Liban et dans quelles circonstances Christian a été tué et plusieurs de ses camarades blessés.

Début 1978 la France a décidé de participer à une importante opération de maintien de la paix dans le sud du Liban. En effet, Israel a envahi cette partie du Liban face à des mouvements palestiniens repoussés au nord du fleuve Litani. Le Liban profondément touché par de très graves problèmes internes était incapable de contrôler son territoire.

Début mars 1978, le 3e RPIMa de Carcassonne est désigné pour former le bataillon Français de la Force Intérimaire des Nations Unies au Liban, FINUL en français, UNIFIL en anglais. Le RICM désigne le 1er escadron que je commande pour former l'unité blindée du bataillon « casque bleu ».

Cet escadron de 110 marsouins, dont le peloton de commandement auquel appartient Christian, débarque le 6 avril à Beyrouth et prend la route du sud pour rejoindre la ville de Tyr. Il commence à remplir des missions de contrôle et de renseignement dans toute sa zone d'opérations qui couvre le sud du Liban occupée soit par les troupes israéliennes soit par des mouvements armés palestiniens ou libanais. Il s'agit de les séparer et de contrôler ensuite toute la partie du Liban qu'Israel doit rapidement évacuer. Des unités d'infanterie de plusieurs pays rejoignent la FINUL et débutent l'installation de postes.

Les AML, automitrailleuses légères, apportent dés le début un soutien majeur à nos escouades et aux marsouins parachutistes progressant très souvent à pied en zone dangereuse. Les patrouilles de l'escadron sont très appréciées des « casques bleus » et s'imposent en souplesse aux belligérants qui sont dans un face à face ponctué d'accrochages mineurs.

Christian est mon radio et donc en permanence avec moi quand je dirige ou effectue une reconnaissance, c'est-à-dire une ou deux fois par jour minimum. Le conducteur de la jeep est le caporal-chef Tehamoanna, un tahitien calme, courageux, excellent conducteur et tireur exceptionnel. Très souvent le sergent-chef Belony nous accompagne, lui aussi est un marsouin très calme, posé et très bon tireur. Christian s'est rapidement intégré dans cette petite cellule et il met en oeuvre les deux postes radios de la jeep qui me donnent une liaison permanente d'une part avec tous les véhicules de l'escadron, d'autre part avec le réseau de commandement du bataillon français.

Nous vivons en ce mois d'avril dans d'anciens cantonnements de l'armée libanaise encore encombrés de chars détruits. La vie est simple, spartiate mais passionnante pour tous.

En ces derniers jours d'avril, nous effectuons quotidiennement plusieurs patrouilles de jour comme de nuit.

Le dimanche 30 avril, je reçois l'ordre d'opérations numéro 6. Les israéliens vont débuter leur repli le 1er mai et la FINUL va prendre en compte toute cette zone pour établir une sorte de tampon entre les belligérants. Il s'agit donc d'éviter que des israéliens ou des palestiniens armés agissent dans cet espace qui fait environ 50 kilomètres de long et une petite trentaine de large dans sa partie la plus grande.

Dans la nuit du 30 avril au 1er mai un accrochage entre parachutistes et palestiniens fait deux morts chez ces derniers, la tension monte. Pour autant le repli commence et les unités de casques bleus occupent les anciennes positions israéliennes. L'escadron est en permanence déployé dans toute la zone. Les villages libérés expriment leur joie et notre jeep est couverte de fleurs dans tous les villages.

Il fait un temps superbe les 1er et 2 mai et nous parcourons cette belle région aux oliviers qui couvrent les collines mais aussi aux maisons détruites et aux ruines omniprésentes. Avec Christian je vais dans le secteur de Joayya où, là encore, la jeep est couverte de fleurs et nous nous faisons les dernières photos de Christian.

A 16h30, à mon retour à Tyr, le colonel Salvan qui commande le bataillon français me dit qu'un détachement vient d'être attaqué à une dizaine de kilomètres. Je désigne le peloton du lieutenant Descamps pour l'accompagner sur place. Nous les suivons par radio, ils sont violemment accrochés à quelques kilomètres de nous. Avec le reste de l'escadron je veux maintenant les soutenir, assurer la jonction et les dégager.

C'est en quittant les casernes de Tyr avec le peloton Koessler que nous sommes violemment attaqués à la mitrailleuse, au lance-roquettes RPG 7 et à l'arme automatique. L'embuscade est bien montée. Ma jeep se cale le long d'un muret et notre équipage ouvre le feu vers à un garage d'où nous sommes violemment pris à partie. Christian à côté de moi est touché et tombe. Les minutes qui suivent sont d'une très grande intensité et les AML tirent, nos lance-roquettes de 89 mm détruisent des véhicules palestiniens et de mouvements libanais. Une AML est touchée. L'AML du lieutenant Descamps repasse sous notre protection touchée par deux roquettes à la tourelle et deux blessés, Descamps et Nias.

Christian est évacué vers le poste de secours du bataillon et rapidement transporté, par un hélicoptère français qui a pu atterrir près de notre position, vers l'hôpital militaire suédois de la FINUL au PC de Naquoura.

Vers 18h30, les palestiniens fortement touchés se replient. L'AML du sergent-chef Lorthioir a été détruite et son équipage blessé. Dans la tentative de discussion qui suit pour établir un cessez-le-feu, le colonel Salvan est très grièvement blessé et l'adjudant Santini du 3e RPIMa est tué.

Peu de temps après j'apprends que Christian est mort de ses blessures et c'est un choc pour tous. Pour autant son sacrifice ne nous démoralise pas, tous veulent être dignes de lui et nous faisons au mieux dans les heures difficiles qui vont suivre.

Ce combat a fait une forte impression sur tous les belligérants et nous pourrons poursuivre notre mission dans les mois qui suivront.

Tu vois, mon cher Christian, nous sommes ici pour représenter tous les Anciens du 1er escadron de cette époque et pour t'affirmer que ton souvenir est toujours là. Nous n'oublions pas ton sourire, ta réserve naturelle et surtout ton immense plaisir de voir la joie des habitants des villages libérés qui nous voyaient apporter le bien le plus précieux : la paix et la sécurité. Tu resteras mon « Radio », l'homme et le marsouin tombé au combat, pour la France et au service de la Paix, pour toujours.

Le temps a passé et les « casques bleus » sont toujours au Liban 31 ans plus tard.

J'ai été très fier d'avoir été ton chef et les hommes de l'escadron très heureux d'avoir été ton camarade.

Je te dis, devant ta famille et ton maire, que nous sommes venus une fois encore en frères d'armes te rendre hommage et t'assurer de notre fidélité.

2 mai 1978, 8 mai 2009 : encore une fois Adieu Christian.

Étaient présents à cette cérémonie : Le général Dominique Delort, son épouse et l'un de leurs petits-fils, Guy Moncel, Daniel Lesteven et Jean Guillaume.

Le général Delort et monsieur le Maire Le major Lesteven et Jean Guillaume
Le général Delort et le maire ont dévoilé la plaque consacrée à Christian Marie Le monument aux morts de Saint-Pierre-sur-Dives
Le traditionnel salut aux porte-drapeaux
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