Article Alain Hénaff - Photos Alain Hénaff - Gérard Roussel
Le jeudi 20 octobre, précédant de 24 heures les cérémonies quinquennales in situ relatives à la reprise du fort de Douaumont par nos glorieux marsouins du RICM en octobre 1916, le 95e anniversaire de cet événement capital a été célébré au quartier Ladmirault au cours d'une importante prise d'armes comprenant différentes séquences bien distinctes. La journée promettait d'être dense, émouvante et festive. Elle le fut effectivement, en présence des Anciens largement associés à cette journée.
Malgré une température encore basse, le ciel est déjà bien bleu lorsque les premiers Anciens font leur apparition dans le quartier. Dans leur majorité, ce sont les invités de deux camarades qui, aujourd'hui, disent adieu aux armes. Tous se rendent à la cafétéria en attendant le début de la cérémonie. Comme toujours en ces circonstances, chacun retrouve avec plaisir les compagnons d'hier, venus parfois de loin; ou encore fait connaissance avec de vieux soldats qui pour l'occasion redécouvrent leur Régiment.
A l'extérieur, sur la place d'armes, les escadrons se mettent en place, impeccablement alignés. Maintenant, invités et familles rejoignent, qui les rangs, qui les tentes installées pour parer à toute défaillance d'une météo qui se gardera bien, ce jour-là, de perturber une telle manifestation !
11 heures. Heure H. Le capitaine Marc Hyppolite présente les troupes au chef de bataillon Pascal Nojac, commandant en second.
Guidées par le capitaine Christophe Larue, OSA et maître de cérémonie, les autorités se présentent devant le commandant des troupes. Entourent le colonel Marc Conruyt, chef de corps : monsieur Alain Claeys, député-maire de Poitiers, le général d'armée Henri Bentegeat, les généraux de division Jean-Gabriel Collignon et Arnaud Rives, le colonel François Labuze – tous quatre anciens chefs de corps – et les majors Marc Bylicki et Alain Guignard, sous-officiers quittant le service actif.
Ultime honneur pour ces deux "vieux" soldats : la revue du Régiment avec le chef de corps avant que celui-ci ne lise bientôt les ordres du jour relatifs à leur longue et brillante carrière.
Mais avant cet au revoir, il faut accueillir la relève : les jeunes recrues du peloton du lieutenant José-Louis Imbert. Ils viennent de terminer la FGI (les classes !) au CFIM de la 9e BLBIMa situé à Coëtquidan. Les képis leur ont déjà été remis. Dans quelques minutes, ils seront présentés à l'emblème le plus décoré des Armées et recevront les trois fourragères des mains de leurs chefs et Anciens. L'ordre du jour du chef de corps leur rappelle ce que représente ce drapeau qui, entouré de sa garde, arrive maintenant sur la place d'armes. Au drapeau ! Marseillaise !
Après avoir évoqué la carrière du capitaine Maurice Hasnier, parrain de ce nouveau peloton (et malheureusement absent), le colonel Conruyt donne le signal de remise des fourragères et les remet lui-même au marsouin Nicolas Delette, distingué au cours de sa formation individuelle. Devant tout le Régiment rassemblé, devant leurs Anciens et leurs parents présents pour la circonstance, ces jeunes engagés viennent d'entrer définitivement dans la grande famille du RICM.
C'est maintenant au tour de ceux qui servent au Régiment depuis un certain temps déjà d'être mis à l'honneur et décorés par leur colonel. Pour leur comportement professionnel et exemplaire en Afghanistan, le caporal-chef Teddy Laperle, les caporaux Lewis Moarii et Arnaud Munoz et le marsouin de 1ère classe Jonathan Dal, cités à l'ordre du Régiment, reçoivent la Croix de la Valeur militaire. Cité également à l'ordre du Régiment, le caporal-chef Julien Da Cuna reçoit la Médaille de la Défense Nationale échelon Or. Quant au sergent Karim Belazzouz et au marsouin de 1ère classe Romain Campion, ils reçoivent la Médaille d'Outre-mer avec agrafe « Tchad ». Enfin le caporal Christopher Cœur, cité à l'ordre de la brigade et déjà décoré de la Croix de la Valeur militaire, reçoit l'insigne des blessés pour les traumatismes subis en Afghanistan lors de la destruction de son AMX10RC par un IED.
Témoins directs et avisés du professionnalisme et de la rigueur montrés par le RICM, trois de nos compatriotes appartenant à la Réserve citoyenne reçoivent ensuite du colonel Conruyt le calot de marsouin, symbole de leur intégration dans une famille dont ils seront les relais auprès de la société civile. Il s'agit de messieurs Étienne Langlois (Conseiller dans une grande compagnie d'assurances), Philippe de Bony (agent général de mutuelle) et Nicolas Boursier (journaliste), auxquels ont été respectivement attribués les grades honorifiques de commandant, lieutenant et adjudant.
A présent, le moment est venu pour les major Alain Guignard et Marc Bylicki de recevoir l'hommage du RICM et de l'institution militaire après une quarantaine d'années passées au service de la France, sous tous les cieux. A tour de rôle, chacun viendra se placer devant le drapeau ; le chef de corps lira l'ordre du jour personnalisé. Échange de salut et chaleureuse poignée de main. Puis l'adjudant-chef Christophe Van Meer, président des sous-officiers, leur remettra à chacun l'épée traditionnelle. Non sans émotion, une page se tourne. Le major Bylicki embrasse le drapeau après l'avoir salué une dernière fois.
Après l'accueil des jeunes engagés, la remise de récompenses à des soldats valeureux, l'intégration de citoyens patriotes et l'adieu aux armes de deux Anciens, il convient d'effectuer un retour en arrière de 95 ans pour retrouver tout ce qui justifie les actions présentes; pour se souvenir de cette date mémorable du 24 octobre 1916, signifiant la reprise du fort de Douaumont à l'ennemi. Date anniversaire fêté, depuis lors, chaque année par le RICM. Le lieutenant Luc Girieu lit le récit officiel de ce combat héroïque au cours duquel nos aînés de la Grande Guerre scellèrent définitivement le destin du Régiment, le vouant à jamais à l'excellence !
Le colonel Conruyt et monsieur Alain Claes déposent une gerbe devant le mur du souvenir. Le clairon entonne la sonnerie aux Morts. Sur cette place où sont rassemblés des centaines de personnes, le silence est impressionnant.
Les escadrons quittent les lieux afin de se mettre en place pour le défilé.
C'est au son de l'hymne de la colo joué par l'excellente musique la 9e Brigade que s'avancent, altiers, les marsouins du RICM. Derrière le commandant Nojac et le drapeau, les jeunes engagés du peloton Imbert étrennent fièrement leurs fourragères pour ce premier défilé de leur carrière militaire. Suivent les escadrons dans l'ordre de bataille.
Il est 12:30. En ce jour d'octobre finissant, le ciel est d'un bleu d'azur; le soleil au rendez-vous. Une prestigieuse cérémonie s'achève.
En se remémorant ce matin tous ces marsouins du RICM morts pour la France sur les champs de batailles, proches ou lointains, les marsouins d'aujourd'hui ne pouvaient que penser au dernier tué de cette innombrable et héroïque cohorte ; fauché en Afghanistan le 8 janvier dernier : le caporal-chef de 1ère classe Hervé Guinaud. Afin que son souvenir demeure parmi les siens, le club EVAT portera désormais son nom et c'est en présence de sa veuve et de son fils Antoine que le baptême s'est déroulé au cours d'une nouvelle cérémonie, poignante pour tous.
Pour passer de la tristesse à la joie, la transition n'est jamais simple mais les marsouins sont connus pour leur cœur et leurs facultés d'adaptation. Entourés de leurs chefs de toutes les époques, des camarades les plus proches et des compagnons de toutes les épreuves, les partants du jour n'échappent sans doute pas à ces sentiments contradictoires au moment de ce pot d'adieu. Dans son style inimitable empreint de bonhomie et marqué de convictions, le major Marc Bylicki prend la parole, cite quelques noms, rappelle quelques événements... près de quarante années sous l'Ancre d'Or... il convient de trinquer sans délai avant de commencer à remonter le Mékong !
D'autant qu'il faut maintenant rejoindre le gymnase où doit se dérouler le repas de corps auquel participent de nombreux Anciens dont le général Bentegeat, ancien chef d'état-major des Armées. Les escadrons attendent et, ne l'ignorons pas, un jeune de vingt ans engagé dans une succession ininterrompue d'activités variées « ça mange » et souvent beaucoup ! Encore un peu de patience ! Le chef de corps remet les trophées relatifs aux différents challenges sportifs... le 1er escadron du capitaine Jean-Loïc Laudy n'a ménagé ni sa peine ni son talent pour vaincre ses fraternels adversaires ! Bravo aux Phacos mais également à tous les autres !
Les sourires s'effacent, les visages redeviennent sérieux et les gorges se serrent lorsque le colonel Conruyt appelle près de lui Antoine Guinaud (14 ans) afin de lui remettre les cadres contenant les diplômes de la Légion d'Honneur et de la Médaille Militaire, décorations attribuées à son père à titre posthume. Qu'il est courageux et digne cet adolescent qui regagne sa place sous les applaudissements émus de cette grande et généreuse famille au sein de laquelle son père vivait quotidiennement et s'épanouissait.
Encore un moment d'attention : le major Bylicki reçoit un magnifique montage photographique de l'amicale des cadres. Quelques mots... brefs, évidemment !!!
Le moment de chasser la poussière arrive enfin ! Le lieutenant Luc Girieu s'époumone dans le vacarme habituel, propre à tout début de repas de corps ! Les traditions ne se perdent pas et le reste de l'après-midi, entre deux plats ou deux verres, se passera en chants et franche rigolade dans ce nécessaire et utile espace de respiration et de détente collective d'un corps. Soulignons, par ailleurs, la remarquable animation de la musique de la 9e BLBIMa dont la proximité donne davantage de relief encore aux activités officielles et festives du RICM (cf. ci-dessous deux extraits vidéo). Pour conclure cette longue et agréable journée, tous entonnent et enchaînent avec force Marie-Dominique, le chant du Régiment et l'Hymne de l'Infanterie de Marine (qui devrait être chanté bien plus rapidement !).
En quittant le quartier Ladmirault en cette fin d'après-midi, quelques Anciens savent qu'ils retrouveront leur Régiment, son drapeau et son colonel dans peu de temps... très exactement le lendemain soir sur le site du fort de Douauont.